25/12/2012

End of Watch - ★★★★★★★★☆☆ 7.5/10

End of Watch est la claque du mois, celle qui marque et remet les idées en place ; d’autant plus violente qu’inattendue.

Brian Taylor et Mike Zavala, jeunes officiers de police, patrouillent dans les rues les plus dangereuses de Los Angeles, risquant leur vie chaque jour dans leur lutte contre les cartels de drogue et leurs milices surarmées. Ils embarquent dans un périple sanglant où chaque erreur est marquée d’un coup de feu. « Protéger et Servir »




Malgré son joli succès aux Etats-Unis, en France le film est expédié dans les petites salles dès sa première semaine d’exploitation et il serait  facile de manquer ce rendez-vous coup de poing, pris en tenaille par le rouleau compresseur James Bondien et les succès d’Argo et Looper, plus populaires. Pourtant  End of Watch est un film explosif, d’une violence dérangeante car on sait qu’elle n’est que la reconstitution  fidèle de celle qu’éprouvent quotidiennement les forces de l’ordre dans les quartiers chauds de Los Angeles.

Loin de signer un film de propagande pour l’ordre et la morale, comme le fait parfois Hollywood en répondant aux commandes du Pentagone (Act of Valor), le réalisateur filme les bas-fonds de Los Angeles avec une nervosité comme on n’en avait pas vu depuis un moment. Il les avait déjà dépeint dans Training Day dont il avait signé le scénario mais il abandonne ici toute stylisation pour livrer un long métrage brut, taillé dans la roche. Filmé à la volée, parfois par les personnages eux-mêmes, le long métrage flirte avec un Cinéma Vérité brutal et sans concession. Cette authenticité, nous la devons aux personnages, qui permettent à End of Watch de prendre une dimension quasi documentaire.



Malgré toutes les tragédies, déjà bien grandes pour la vie d’un homme, que connaissent chaque jour nos deux coéquipiers, ces derniers conservent l’énergie pour rire et continuer à vivre. Ils nous livrent ainsi de véritables moments de complicité, gorgés d’humour, qui illuminent le visage du spectateur entre deux opérations sanglantes. Car c’est avant tout un drame humain que nous livre le scénariste-réalisateur David Ayer. Les amitiés sont scellées dans l’ombre du danger et la famille ainsi que le courage servent de repères dans un mode de vie instable où chaque moment peut être le dernier.

On sort de la salle en chancelant, cherchant à retrouver nos marques  dans un monde qui, s’il est plus paisible le doit à ces héros de l’ombre sans masque ni cape, identifiable seulement à leur insigne sur la poitrine.

Looper - ★★★★★★☆☆☆☆ 5/10

En 2044, le voyage dans le temps n'a pas encore été inventé, mais dans 30 ans, ce sera le cas. La mafia a mis la main sur le procédé et l'utilise pour renvoyer dans le passé les individus qu'elle souhaite faire disparaître. Joe est un looper, un tueur du futur qui exécute plus qu'il n'assassine, chargé de récupérer le « colis » du futur qu'il ne peut sous aucun prétexte laisser s'échapper. Mais un jour, tandis que Joe se tient prêt pour sa prochaine exécution, il se retrouve nez-à-nez avec son lui futur...

Le film commence de la meilleure des façons, prenant tout de suite le spectateur à la gorge.

La réputation de Looper le précédait depuis bon nombre de semaines maintenant. Il a été célébré unanimement par la presse américaine lors de la dernière édition du festival de Toronto : « Le Inception du cinéma de Science-Fiction indépendant », « Le Matrix de cette génération » s’enflammaient les critiques américains. Mais comment un film qu’on disait flirter aussi bien du côté de Terminator que de l’œuvre de Philip K. Dick arriverait-il à faire honneur à ses références tout en réussissant à exister par lui-même ?  Malheureusement Looper ne nous donne pas la réponse.

Pourtant, le film commence de la meilleure des façons, prenant tout de suite le spectateur à la gorge. Narrées par un protagoniste plutôt antipathique, les premières séquences dépeignent une vision d’un futur pessimiste, dans un état comparable à notre époque actuelle. Blasé, notre narrateur nous expose son train de vie avec autant de froideur que l’environnement dans lequel il évolue. Exécutions sommaires, cachets exorbitants, consommation de drogues et de sexe, voilà la vie de Joe ; jusqu’au jour où son « colis » se révèle être son lui futur.

Le face-à-face tant attendu a alors lieu ; celui entre Joseph Gordon Levitt, qui réussit à rappeler avec brio le jeune Bruce Willis dans ses années Die Hard, et son lui futur : un Bruce Willis parfait qui ne semble plus vieillir. Après un jeu rapide du chat et de la souris, les deux hommes se rencontrent dans une cafétéria perdue dans la campagne, nous offrant ainsi une des meilleures scènes du film. Une des qualités de Looper est son ambition à raconter une histoire divertissante tout en véhiculant des thèmes intéressants. Le spectateur se délecte ainsi d’une rencontre aussi frustrante qu’improbable entre deux mêmes personnes à un stade différent de leur vie. Le réalisateur décide de laisser de côtés les explications (qui restent au final mal définies) de ce voyage dans le tempspréférant sonder l’âme de ses personnages, opposant un homme égoïste et perdu à sa version habitée par une volonté de continuer à savourer les plaisirs de la vie qu’il a trop tardivement découvert.

Pour notre plus grand regret, Looper, s’il reste divertissant et, par bien des moments, haletant, échoue dans sa tentative de création d’un univers futuriste qui fonctionne.

Si l’humanité de ses personnages lui est chère, Rian Johnson nous offre également de merveilleuses séquences à la technique irréprochable. Dans une nouvelle boucle narrative, le réalisateur nous présente l’évolution du personnage de Joe, passant progressivement de Levitt à Willis, le tout sur des compositions musicales de circonstance, signées par l’un de ses frères.

Malheureusement, Looper échoue sur le terrain où on l’attendait irréprochable : la perfection de son scénario. En effet, Rian Johnson se perd dans les multiples espaces temporels qu’il a ouverts rendant son film au final incohérent après réflexion. Mais le long métrage souffre surtout de sa dualité. Il y a en réalité deux histoires dans Looper. Et c'est justement en hésitant entre deux genres, thriller temporel et film surnaturel, que le film déçoit. Bien qu’offrant des scènes visuelles particulièrement fortes et un thème intéressant (l’influence primordiale des parents sur le devenir de l’enfant), on aurait préféré que Rian Johnson s’attarde plus sur le duo Levitt-Willis qui passe rapidement à la trappe au profit d’un autre couple : Emily Blunt et son enfant, qui malgré leur prestations parfaites, restent moins palpitants que les deux hommes.

Parfois grossier (l’invincibilité de Bruce Willis), parfois parfaitement maitrisé (l’évolution du personnage dans le temps, boucle narrative), le film ne résiste pas là où Inception laissait la possibilité au spectateur d’interpréter de multiples façons les ressorts de l’histoire. Pour notre plus grand regret, Looper, s’il reste divertissant et, par bien des moments, haletant, échoue dans sa tentative de création d’un univers futuriste qui fonctionne.

Note : ★★★★★★☆☆☆☆ 5/10