18/09/2012

The Aviator (2004) - ★★★★★★★★★☆ 9.5/10

Martin Scorsese réalise avec The Aviator un film de haut vol, fresque sur la vie extraordinaire d’Howard Hugues portée par un Leonardo DiCaprio ayant gagné en maturité.

Howard Hughes est un richissime homme d'affaires, passionné par les avions et le cinéma. Ambitieux et jouissant d’une fortune sans limite, il peut laisser libre cours à ses rêves. Il produit et réalise ainsi le film Les Anges de l'enfer dans lequel il investit des sommes colossales. Il devient rapidement une célébrité et entretient des relations tumultueuses avec les stars de cinéma de l'époque comme Katharine Hepburn et Ava Gardner. Avide de conquêtes, il engage un bras de fer avec la compagnie aérienne Pan Am, pour permettre à sa compagnie, la TWA, de pouvoir couvrir les lignes à l'international. Mais dans l'intimité, Howard Hughes souffre de multiples troubles obsessionnels compulsifs qui évoluent rapidement et le rongeront jusqu'à la fin de ses jours.













Leonardo DiCaprio livre une prestation parfaite, sachant aussi bien retranscrire les éclats de génie et les moments de joie de l’homme que ses crises de tics et ses dérives paranoïaques.

Depuis Gangs of New York, et sa fabrication mouvementée, Martin Scorsese a amorcé un nouveau tournant dans sa carrière. Son cinéma semble définitivement changer de dimension, tant par ses histoires que par les moyens dont il dispose pour les raconter. En somme, le réalisateur se dirige vers de nouveaux horizons, avec la même passion pour l’exploration que le protagoniste aérien de son nouveau film : The Aviator.

Après avoir longtemps peiné à trouver les financements pour ses projets, sacrifiant parfois son salaire sur l'autel de la passion pour son art, Martin Scorsese se voit accorder pour la deuxième fois en quatre ans un budget colossal de cent millions de dollars. Le réalisateur de Taxi Driver et les majors américaines semblent désormais s’accorder. Une aubaine pour le cinéaste fasciné depuis sa jeunesse par le studio system, déjà mort lors de son arrivée sur la planète cinéma à la fin des années 60, et qui semble désormais confortablement assis sur les collines d’Hollywood. Du studio system, où chaque studio était une usine à films en soi, apposant sa patte singulière aux long-métrages qui en sortaient, il en est question dans cette nouvelle production mettant en scène la vie extraordinaire de l’excentrique milliardaire, le premier de l’époque : Howard Hugues.

Mais comment dépeindre soixante-dix ans de la vie d’un homme de génie, véritable touche-à-tout ? En effet, Howard Hugues a laissé sa marque aussi bien dans le paysage cinématographique américain que dans l’immensité du ciel. Il a conquis aussi bien le désert du Nevada et sa cité du vice que les cœurs des plus belles actrices d’Hollywood. Tout raconter est impossible ; Clint Eastwood en a d'ailleurs récemment fait les frais avec son biopic qui ne fait que survoler l’existence non moins passionnante d’une autre figure de l’époque : J. Edgar Hoover. C’est pour cela que Scorsese choisit de se pencher sur une période précise de la vie de Hugues : celle plus optimiste allant de ses vingt ans jusqu’au début de sa quarantaine.







Obsessionnel, paranoïaque, tourmenté et malade, Hugues est aussi passionnant que sa vie et s’ajoute naturellement à la liste des personnages torturés du réalisateur de Raging Bull.

Martin Scorsese brosse le portrait d’une figure majeure de l’Amérique du XXème siècle dont l’existence légendaire, entre rumeurs et vérités, se réfère à celles des figures mythologiques de l’Antiquité. Riche comme Crésus, Howard Hugues peut tout se permettre, laissant plus souvent libre cours à ses passions qu’à ses caprices. Habité, cet homme est un conquérant des airs et de la terre, construisant son destin à coup de projets pharaoniques. Ainsi, il entreprend la production du plus grand avion jamais construit avec The Hercules dont le nom renvoie à nouveau à la volonté que son créateur a de se forger un destin exceptionnel.

Vivant la tête dans les étoiles, c’est tout naturellement qu’il se tourne vers Hollywood et son panel de stars qui fait rêver bon nombre de jeunes de l’époque. Souhaitant s’imposer dans la mecque du cinéma, il réalise ce qui deviendra le film le plus cher de l’époque : Hell’s Angels, avec lequel il souhaitait livrer le film d’aviation le plus spectaculaire jamais réalisé. Au cinéma aussi, la première passion de cet homme dicte ses choix.

Martin Scorsese évoque une autre dimension mythologique de la vie de Hugues, en convoquant une autre légende grecque : celle d’Icare. Enivré par les airs, seul espace où il se sentait en sécurité, Howard Hugues se brûla les ailes à de nombreuses reprises, échappant à chaque fois à la mort, cherchant sens cesse à battre des records dont il était parfois le détenteur. Défiant les limites de ses appareils, s’élevant trop dangereusement vers le soleil ou à trop grande vitesse vers l’horizon, son ambition démesurée lui causa bien des souffrances : les traumatismes crâniens et les brulures au troisième degré dont il fut l’objet vinrent l’enfermer de plus en plus dans sa paranoïa. La crainte de l’abandon, la phobie des microbes, la peur d’être espionné, sont autant de têtes à son hydre cauchemardesque qui finira par causer sa perte.


Depuis les années 2000, Martin Scorsese semble se diriger vers de nouveaux horizons, avec la même passion pour l’exploration que le protagoniste aérien de son film, Howard Hugues, dans The Aviator.

A ce jour, The Aviator reste mon film préféré de l’ère DiCaprio, sans doute à cause de cette figure insaisissable qui, ayant hérité d’une fortune qu’il augmenta considérablement, pût vivre le destin de pionnier de l’aviation, d’homme d’affaires à la main de fer, de réalisateur et producteur de cinéma ou encore de propriétaire de casinos. Obsessionnel, paranoïaque, tourmenté et malade, Hugues est aussi passionnant que sa vie et s’ajoute naturellement à la liste des personnages torturés du réalisateur de Raging Bull.

Dès la première scène, l’aviateur nous séduit par son charisme et DiCaprio n’y est pas pour rien. Ayant repris l’accent du Sud et le timbre de voix unique de l’excentrique milliardaire, l’acteur livre une prestation parfaite, sachant aussi bien retranscrire les éclats de génie et les moments de joie de l'homme que ses crises de tics et ses dérives paranoïaques. Tantôt fascinant, tantôt touchant, DiCaprio franchit un cap avec ce film et confirme sa place parmi les acteurs les plus talentueux de sa génération. L’Académie saluera d’ailleurs ce travail par une nouvelle nomination aux Oscars pour l’acteur de Titanic. Jamais lassé, je reste toujours abasourdi devant autant de maîtrise. Aucun plan n’est gratuit, chaque mouvement de caméra est justifié, toujours au service de l’histoire. Le réalisateur accorde à chacune des passions de Hugues la place qu’elle mérite, tissant entre elles des liens d’une élégance et d’une simplicité parfaites. La première partie du long métrage propose des images magnifiques, rappelant l’orangé et le bleuté des premiers films coloriés à même la pellicule.

Comme toujours, son travail de metteur en scène est prolongé par celui de Thelma Schoonmaker, monteuse attitrée du cinéaste, qui reçoit pour la deuxième fois un Oscar. En effet, elle saura traduire avec brio le rythme effréné de la vie d’Howard Hugues. Scorsese et Schoonmaker parviendront difficilement à structurer davantage le scénario de John Logan, seul reproche que l’on peut faire au film mais qui ne vient assombrir que d’une manière infinitésimale un film d’une maestria bluffante.

Les musiques des années folles et les compositions originales d’Howard Shore finissent de nous faire décoller pour un voyage cinématographique mêlant haute voltige et zones de turbulences avant de nous faire atterrir dans la zone des chefs d’œuvres dans laquelle Martin Scorsese se pose une nouvelle fois pour notre plus grand bonheur.

Note : ★★★★★★★★★☆ 9.5/10

Bande-annonce de "The Aviator"

The Aviator (2004)
Réalisé par
: Martin Scorsese

Ecrit par : John Logan
Produit par : Leonardo DiCaprio, Graham King, Michael Mann
Avec : Leonardo DiCaprio,  Cate Blanchett, Kate Beckinsale, Alec Baldwin

Directeur de la Photographie : Robert Richardson
Décorateur : Dante Ferretti
Montage : Thelma Schoonmaker
Musique : Howard Shore
Durée : 2h45

Budget : 110,000,000 $
Box Office : 213,741,459 $
USA : 102,610,330 $
France : 1,677,221 entrées

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