En ce début de siècle, Martin Scorsese frappe fort avec une épopée historique relatant les origines de sa ville natale : New York.
En 1846, le quartier de Five Points, un faubourg pauvre de New York, est le théâtre d'une guerre des gangs entre émigrants irlandais d'un côté, les Dead Rabbits menés par Père Vallon, et les Native Americans de l'autre, dirigés par le sanguinaire Bill le Boucher. Ce dernier met rapidement en déroute les Dead Rabbits en assassinant leur chef et prend par la même occasion le contrôle exclusif des rues de la "grosse pomme". Seize ans plus tard, le gang des Native Americans règne toujours en maître dans New York. Devenu adulte, Amsterdam Vallon souhaite venger la mort de son père en éliminant Bill. Mais sa rencontre avec Jenny Everdeane, une énigmatique pickpocket dont l'indépendance et la beauté le fascinent, va compliquer les choses...
Avec Gangs of New York, Martin Scorsese réalise enfin le film épique qu’il a toujours voulu faire.
Premier film de
ce début de siècle, Gangs of New York marque un profond
tournant dans la carrière de Martin Scorsese. La fin des années 90
fut difficile pour le réalisateur qui enchaîna deux échecs au
box-office. La bonne nouvelle de cette décennie pour lui fut qu’il
eut enfin le feu vert pour mettre en scène un projet dont il rêvait
depuis le début des seventies : Gangs Of New York. La
nouvelle influence de Leonardo Di Caprio, tout juste sorti de
Titanic, permet au projet de se targuer d’avoir une star
mondialement connu à son casting. Engager DiCaprio n’est pas
seulement intéressé, c’est aussi le fruit des conseils de son acteur fétiche Robert De Niro qui, quelques années auparavant, lui avait dit de
garder un œil sur ce jeune talent en devenir.
Avec Gangs of New York, Martin Scorsese nous dépeint une nouvelle vision de
New York, sa ville natale dont il nous a brossé plusieurs portraits
avec Mean Streets, Taxi Driver, Raging Bull ou
encore A Tombeau Ouvert. Il réalise enfin le film épique
qu’il a toujours voulu faire. Il prend comme références le
savoir-faire des cinéastes bolcheviks et leurs fresques
révolutionnaires. La séquence d’ouverture, où les Natifs et les
Lapins Morts s’affrontent avec férocité, est magistralement
orchestrée. Bien qu’on ne voit jamais une lame performer un corps,
la violence est omniprésente par l’image saturée et saccadée
ainsi que par un montage éclaté inspiré des cinéastes russes des
années 20 tels Sergueï Eisenstein et son Cuirassé Potemkine.
Cette maîtrise est à nouveau remarquée par l’Académie qui nomme
pour la quatrième fois, et à chaque fois avec Scorsese, Thelma
Schoonmaker à l’Oscar du montage.
Dans ce monde haut en couleurs, les personnages le sont tout autant, à commencer par Bill le Boucher, interprété par Daniel Day-Lewis qui compose ici un méchant terrifiant.
Scorsese
s’intéresse ici aux fondations de l’Amérique, et en particulier
à celles de New York qui en est le plus bel échantillon de la
période. Après avoir mis en scène la haute société de la même
époque dans Le Temps de l’Innocence, le réalisateur des
Affranchis met en avant le mode de vie dominant de la période où
les New Yorkais vivaient dans la crasse et les ordures, partagés en
tribus, allant des Natifs jusqu’aux Chinois, en passant par les
travestis, et divisés dans leurs convictions pendant la guerre de
Sécession qui fait rage.
Dans ce monde haut en
couleurs, les personnages le sont tout autant, à commencer par Bill
le Boucher, que devait interpréter De Niro, rôle finalement revenu
à Daniel Day-Lewis que Scorsese a sortie de sa retraite et qui compose
ici un méchant terrifiant. Si De Niro a dû décliner l’offre de
son camarade, le réalisateur fait la connaissance de son nouvel
acteur fétiche : Leonardo DiCaprio, qui rêvait de travailler
avec Scorsese. Le réalisateur lui offre son premier rôle de
personnage blessé et l’intégre ainsi pleinement dans sa
filmographie où les cicatrices de la vie sont légions pour ses
personnages. Gangs of New York offre d’ailleurs
une scène de mise à nue dans laquelle Amsterdam expose ses
balafres, ultimes signes des tourments éprouvés. Notre héros se
perdra en route, hésitant entre admiration et vengeance. Certains
reprocheront à DiCaprio une interprétation jugée fade mais que je
qualifierai plutôt juste et sobre, contrepartie nécessaire à
l’existence d’un personnage aussi extravagant que Bill le
Boucher.
Une nouvelle fois, la réalisation de Scorsese est parfaitement maitrisée confirmant à nouveau son statut de maître absolu des images.
Une nouvelle fois, la réalisation de Scorsese est
parfaitement maitrisée, confirmant à nouveau son statut de maître
absolu des images. Lors d’un plan séquence magistral d’une
minute aussi explicite qu’un monologue du narrateur, Scorsese
dépeint le sort inévitable de beaucoup d’hommes émigrés
irlandais. A peine ont-ils le temps de mettre pied à terre, qu’ils
sont accablés par les demandes de l’Oncle Sam qui leur promet
repas chaud et monnaie sonnante et trébuchante sous réserve de
devenir citoyen américain et d’aller se battre pour l’Union. La
caméra se déplace de poste en poste : un irlandais débarque,
un autre s’engage, on distribue les fusils à un autre qui monte
dans un navire, croisant sur son passage le cercueil d’un de ses
semblables. Un conteur par l’image récompensé par une énième
nomination aux oscars ; mais la statuette dorée lui file encore sous
le nez. Scorsese recevra cependant le Golden Globe du meilleur
réalisateur pour son travail.
En ce début de siècle,
Scorsese signe un film monumental et oriente sa carrière dans une
nouvelle direction comme le confirmera The Aviator. La sortie
de Gangs of New York sera à de nombreuses reprises repoussée,
notamment à cause des évènements du 11 septembre où l’heure
n’était pas à la (re)découverte des racines violentes de
l’Amérique. Lors de la scène finale et ses fondus présentant
l’évolution de la ville, le réalisateur conservera les deux tours
dans le paysage, confiant par la suite avoir fait un film en hommage à ceux qui
avaient construit New York, pas à ceux qui l’avait détruit.
Note : ★★★★★★★★★☆ 8,5/10
Bande-annonce de "Gangs of New York"
Gangs of New York
(2002)
Réalisé par
: Martin Scorsese
Ecrit par :
Jay Cocks
Produit par : Martin Scorsese et Alberto Grimaldi
Avec : Leonardo DiCaprio, Daniel Day-Lewis, Cameron Diaz
Directeur de la Photographie : Michael Ballhaus
Décorateur : Dante Ferretti
Montage : Thelma Schoonmaker
Musique : Howard Shore
Durée : 2h45
Budget : 100,000,000 $
Box Office : 197,772,504 $
USA : 77,812,000
$
France : 2,144,337
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