10/03/2013

To The Wonder (A la Merveille - 2013) ★★★★★☆☆☆☆☆ 5/10

Neil est certain d’avoir trouvé la femme de sa vie. Belle, pleine d’humour, originaire d’Ukraine, Marina est divorcée et mère d’une fillette de 10 ans, Tatiana. Après avoir connu la passion à la Merveille - le Mont-Saint-Michel - le couple a décidé de s'installer dans le pays de Neil, l'Amérique, dans les vastes espaces de l’Oklahoma. Leur relation s’est fragilisée : Marina se sent piégée dans cette petite communauté américaine ennuyante où elle cherche conseil auprès d’un autre expatrié, un prêtre catholique nommé Quintana. L’homme a ses propres problèmes : il doute de sa vocation… Marina décide de retourner en France avec sa fille. Neil se console avec Jane mais Marina revient finalement et les deux amants tentent de préserver leur couple abimé par leurs personnalités contrastées.



A la Merveille semble parfois n’être que les scènes coupées de The Tree of Life, laissant un arrière-goût de déjà-vu, ne fonctionnant pas à elles seules car au final ce film ne dit rien de vraiment nouveau.

Critiquer un film de Terrence Malick, surtout quand celui-ci se situe dans l’ère post Nouveau Monde, c’est reconnaitre les limites de son propre langage, c’est se confronter à la peur de la page blanche dûe à l’impossibilité d’exprimer ce que l’on a ressenti à la vision des images du réalisateur de La Ligne Rouge. Car même les détracteurs du cinéaste ne peuvent nier que regarder un film de Terrence Malick s’apparente à l’expérience cinématographique par excellence dans la mesure où ses histoires, en particulier depuis The Tree of Life, ne peuvent être racontées autrement qu’au cinéma. Ce n’est pas seulement parce que le cinéma de Malick utilise avec brio les procédés propres au septième art (cadrage, photographie, montage) mais c’est que son cinéma lorgne du côté de l’éthéré, de l’abstrait, et que les mots (les miens en tous cas) ne peuvent traduire.

Parce qu’aller voir un film du réalisateur de La Ballade Sauvage révèle de l’ « expérience » il apparait alors difficile d’en parler de la même façon que les autres films. Pour autant, je ne me déroberai pas à fournir un avis clair sous prétexte qu’il s’agit ici de parler d’un ovni dans le paysage cinématographique d’aujourd’hui que l’on ne sait pas sous quel angle envisager.

Je parlais plus haut de « ressenti », terme que je préfère à « compris » car Malick, bien qu’étant un cinéaste de la réflexion, m’apparait comme un réalisateur plus émotionnel qu’intellectuel. Ce n’est pas une nouvelle parade pour éviter de mettre à plat le propos du film car je trouve véritablement qu’il s’agit plus de savoir sur quoi on a réfléchi plutôt que ce que l’on a compris. Il interroge plus qu’il ne donne de réponses. Il ne verse cependant pas dans un discours vain, sans prise de position car il nous dit tout de même des choses – il évoquait par exemple dans The Tree of Life deux voies pour aborder la vie : celle de la nature et celle de la grâce dont Olga Kurylenko dans A la merveille apparait d’ailleurs comme la parfaite ambassadrice tissant un des nombreux liens entre la Palme d’Or 2011 et ce nouveau film.



Si ses prochains films continuent sur la voie ouverte par The Tree of life, ils devront cependant s’en affranchir et s’affirmer comme uniques et autonomes dans la filmographie du réalisateur texan, sous peine de devenir insignifiants

Visuellement, on reste bouche bée. Le réalisateur des Moissons du Ciel confirme une nouvelle fois son statut de poète visuel. Ses images (et celles du directeur de la photographie Emmanuel Lubezki) transcendent le discours des personnages, créant des métaphores visuels aussi belles que simples à saisir (pour la plupart). A la Merveille reste ainsi aussi hypnotisant de beauté que son prédécesseur.

Mais le principal problème de A la merveille est d’arriver si peu de temps après The Tree Of Life. Cinéaste qui se laissait jusqu’à présent désirer (6 films en quarante ans), Malick met désormais les bouchées doubles : A la merveille a été monté pendant qu’il tournait Knight of Cups (avec Christian Bale et Nathalie Portman) et Lawless (avec Ryan Gosling et Rooney Mara). Si on peut être ravi de cette nouvelle énergie qu’a le cinéaste, on espère qu’elle ne va pas tourner à une vaine course contre la montre pour rattraper « le temps perdu » de son début de carrière l’empêchant de renouveler son propos car A la merveille semble parfois n’être que les scènes coupées de The Tree of Life, laissant un arrière-goût de déjà-vu, ne fonctionnant pas à elles seules parce qu'au final ce film ne dit rien de vraiment nouveau.

Pourtant, le début du film laissait présager une possibilité pour ce cinéaste profondément américain de se renouveler. En effet, c’est d’abord une voix française que l’on entend (et que l’on entendra le plus dans le film), c’est à Paris puis au Mont Saint Michel que nous entamons notre voyage. L’espace géographique est différent que dans les autres films de Malick mais le réalisateur revient rapidement sur le sol étatsuniens, peut-être aussi mal à l’aise que Ben Affleck dans cette vieille France. De plus, le thème en lui-même pouvait suggérer un film pleinement nouveau. A la Merveille parle d’amour. Si cette thématique est récurrente au cinéaste (« Sans amour la vie passe en un éclair » prévenait déjà Jessica Chastain dans The Tree of Life), il était question avec ce film de mener une réflexion profonde et complète mais celle-ci ne nous convainc pas, pire elle ne nous transporte pas.

A la Merveille reste cependant aussi hypnotisant de beauté que son prédécesseur

Ce thème est pourtant aussi universel que le complexe œdipien présent dans The Tree of life mais ici la sauce ne prend pas. C’est peut-être dû à des personnages figés sur la pellicule. La virtuosité de la mise en scène ne permet de masquer qu’en partie des personnages sans réelle épaisseur. Javier Bardem semble un peu perdu dans son rôle de prêtre, sûrement passé à la trappe dans la salle de montage. Son personnage a néanmoins le mérite d’évoquer le questionnement de la foi ainsi que les conséquences d’un tel dévouement pour quelque chose qui restera à jamais incertain. Mais le véritable fantôme du film est le personnage de Rachel MacAdams, son aventure avec Ben Affleck aurait pu venir complexifier ses sentiments envers celui d’Olga Kurylenko mais il n’en est rien et la jolie blonde reste aussi insignifiante qu’une aventure d’un soir.

Après avoir atteint le sommet de l’Everest cinématographique avec The Tree of Life, Malick tourne un film pendant son voyage de retour, encore hanté par les magnifiques images qui lui avaient value les honneurs cannois en 2011. Le spectre de son dernier film plane donc sur ce nouveau long-métrage ce qui est assez pour nous intéresser l’espace d’une heure quarante car Terrence Malick reste le seul cinéaste à l’heure actuelle à jouer dans cette catégorie de cinéma pure, cherchant une nouvelle façon de dire et de raconter, autre que celle des sacro-saints 3 actes (exposition, nœud, dénouements). Si ses prochains films continuent sur la voie ouverte par The Tree of life (narration, images), ils devront cependant s’en affranchir et s’affirmer comme uniques et autonomes dans la filmographie du réalisateur texan, sous peine de devenir insignifiants, ce que l’on peut parfois reprocher à A la Merveille.

Voir la bande annonce de "A la Merveille"

To The Wonder (A La Merveille)

Ecrit et réalise par : Terrence Malick
Avec : Ben Affleck, Olga Kurylenko, Rachel McAdams
Directeur de la Photographie : Emmanuel Lubezki

Aucun commentaire: